PORRETTA 2008

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Porretta Sweet Soul Music Festival




 

De retour du festival, Dror et Alain Jacquet
nous proposent un résumé et une vision partagée des 3 jours.

PORRETTA SOUL FESTIVAL par Alain Jacquet (magazine Soulbag)

Italie, 17-20 juillet 2008

 

    Cette 21e édition débute le jeudi par une soirée dédiée principalement aux groupes italiens, ce qui permet de faire un état des lieux de la scène soul du pays, et de constater qu’elle est riche en orchestres de qualité. Le vendredi, c’est le groupe français Captain Mercier qui ouvre avec une très bonne prestation comprenant un hommage à Nino Ferrer (Je voudrais être un Noir, Les cornichons…) et l’impayable Je travaille à la caisse, adaptation de Try a little tenderness. Le reste du répertoire est original, avec des textes souvent très drôles servis par d'excellents musiciens. Malgré la barrière de la langue, Captain Mercier est apprécié à sa juste valeur et sera convié pour un set supplémentaire le samedi.
 

 

    Depuis deux éditions, Austin DeLone dirige le Rhythm 'n' Blues Band de Porretta et il faut dire que cet orchestre n’a rien à envier à ses illustres prédécesseurs. Ce groupe tourne au quart de poil et saura s’adapter aux styles de tous les artistes présents. Remarquables aussi les choristes de Sweet Nectar (Sue McCracklin, Maureen Smith, Gayla Fennoy) qui seront parfaites tout au long du festival. Davell Crawford avait triomphé ici même en 2006, cette fois-ci son court set en solo (à l’origine était prévu le Davell Crawford Movement) est indigent pour un artiste de son calibre, reflétant ainsi l’inconstance du bonhomme.


 




     Elle ne vient plus souvent en Europe, mais Mable John se sent à l’aise à Porretta et elle ravira le public avec des sets où l’entrain (Bad water) et l’émotion seront toujours présents, notamment le samedi avec un bel hommage à son frère Little Willie John (Need your love so bad). Mais celui qui casse la baraque avec deux passages de grande classe, c’est le pianiste Henry Butler. Parfois il a tendance à en faire un peu trop et on sombre dans l’ennui, là, rien de tel. En osmose avec l’orchestre qui adopte une sonorité très New Orleans, il nous emballe avec un habile mélange de classiques néo-orléanais et de ses propres compositions (Henry’s boogie, The game has just begun…). Nul doute qu’on risque de le retrouver lors d’une prochaine édition. Surprise du chef avec la présence de Charlie Wood, le pianiste de Memphis, venu chanter le tube du festival Rufus is back in town, titre qui sert de B.O. à un petit cartoon sur Rufus Thomas.


 

 

    L’artiste suivant est la révélation de cette édition, et pourtant ce ne doit pas être facile de faire ce métier  quand on s’appelle Otis Redding ! Troisième du nom et fils de Big O, Otis Redding "the third" doit faire, Porretta oblige, des chansons de papa. Il s’en tire fort bien en ne reprenant pas de manière servile, mais avec des arrangements réécrits de manière très convaincante (I’ve got dreams to remember et Dock of the bay). De plus, il a une bonne voix et il est loin d'être ridicule à la guitare.

 

 

    Jusqu’en 1988 il faisait dans la soul, sa carrière comportait des hits : Teenagers prayer, Hangin’ on, The chokin’ kindJoe Simon devenu Bishop se consacre maintenant à chanter la gloire de Dieu et de Jésus. Présent dans un festival de soul, nous espérions un retour au chant profane. Niente, nous avons entendu un chanteur alignant les gospels avec une très belle voix, vêtu d’une sobre soutane, et à la présence scénique réduite à une suite d’allers et retours devant l’imposante chorale Avenue D Boy’s Choir qui l’accompagne. Ce show surprenant s’achève avec une version de Glory glory halleluyah particulièrement enlevée avec des riffs de cuivres très incisifs.

   

 

Après un passage remarqué lors de la dernière édition, Sugar Pie DeSanto est de nouveau programmée en vedette. Après les dix minutes où elle provoque, joue les séductrices et prend des poses, nous retrouvons la chanteuse Sugar Pie, pleine d’humour au sourire espiègle. Pendant les deux soirées, elle tient parfaitement son rang, présentant deux shows d’égale valeur avec du blues et de la soul, et elle fait craquer tout le monde avec une très belle version de Hello San Francisco. Bonne fille, elle fait revenir à la fin de ses sets tous ses petits camarades pour des bœufs bien sympathiques. Pour la petite histoire, Joe Simon refusera de chanter Let's the good times roll, monument de la musique du diable !

 

 

    Etta James ayant déclaré forfait, elle est remplacée par  Chaka Khan. L’équipe de cette dernière veut imposer des barrières de sécurité devant la scène… Bronca du public, intervention du MC Rick Hutton et on retire les barrières, une sage décision. Accompagnée par un orchestre de sept musiciens, Chaka Khan attaque très fort avec des morceaux puisés dans sa période avec le groupe Rufus. Mais son chant ressemble assez vite à des hurlements et elle est assez rapidement en manque de voix. Pour le son, l’orchestre a ouvert les vannes, ce qui convient peu au public qui commence à quitter le parc Rufus Thomas. Même un What’s going on de Marvin Gaye, pas pire qu’un autre, ne parvient pas à rétablir le contact. Une erreur de casting sans doute, mais que cette fausse note ne fasse pas oublier le très bon niveau d’ensemble de cette 21e cuvée.

 

 

Alain Jacquet (Soulbag magazine) septembre 2008.

 

 

PORRETTA SOUL FESTIVAL par Dror

toutes les photographies sont (c) Dror



Le soleil, Alain Jacquet, Jean-Claude Morlot, Alan Curtis, Alain et Philippe de Neuchâtel sont présents.


Vendredi soir :

 Première série de concerts de 21h a 2h du matin. Comme prévu ce n’est pas une grande édition de Porretta, ce sont surtout des "seconds couteaux" mais 5h de soul dans le cadre charmant de Porretta, par une tiède soirée d’été, dans une ambiance très agréable, ça me va comme vacances...

Captain Mercier d’abord. Très bons musiciens et chanteurs très drôles. En revanche je n’arrive pas à me faire à la langue française dans les musiques populaires anglo saxonnes...

Puis le Austin de Lone band et les trois choristes des Sweet Nectars. Très bons (et très bonnes, on dirait parfois les Raelettes), et très bons arrangements de cuivres sur certains morceaux pendant la soirée. Heureusement que Austin de Lone lui même n’a chanté qu'une seule chanson. Ce sont eux qui ont accompagné les solistes suivants: Clem Sacco (apparemment une vieille gloire italienne, auteur de 2 tubes rock parodiques à la Henri Salvador qu'il a recréés pour l’occasion 40 ans après, après un long monologue et des blagues en italien!), Mable John et Henry Butler.
 


le Austin de Lone band et les trois choristes des Sweet Nectars

 

 
Mable John



Mable John (avec le soleil) est la raison principale de ma venue à Porretta. Sa voix (un peu femme-enfant) est presque intacte mais elle a fait un set très court. Peut être qu’elle était fatiguée. Ce n'est pas une bête de scène et parfois ça manquait un peu de répétition mais les morceaux étaient vraiment bons, même si j’espère qu'elle ne chantera pas les mêmes les autres soirs.

Ensuite Davell Crawford a fait un set tout seul aux claviers. Pas mal. Notamment une version zarbi de Iko Iko.

Enfin la soirée se termine par un long set de Henry Butler et le groupe. Henry Butler est un pianiste (aveugle) de New-Orleans. Des morceaux assez simples (dont une version plus classique de Iko Iko!) mais joués de façon très physique avec des arrangements compliqués. Il a assuré pour un final, réussissant à mettre presque tout le monde debout.


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Samedi après midi:

Projection du film Dangerous Highway, sur Eddie Hinton. D’un point de vue cinématographique ça fait un peu amateur (confirmé par le réalisateur, Deryle Perryman, avec qui j’ai longuement discuté après, très sympa, très politique!) mais le sujet méritait vraiment un film et que faire de plus qu'une série d'interviews quand on s’y prend plusieurs années après sa mort et qu’on a presque aucun document d’époque... Tous les protagonistes sont blancs (sauf la voix off de Robert Cray qui a fait ça gratuitement) mais le réalisateur dit avoir essayé de faire parler quelques noirs (Mavis Staples, Percy Sledge...) sans succès. Le film est soft mais évoque les problèmes psy d’Eddie Hinton (sautes d'humeur, violence, bipolarité ou effet des drogues ou les deux?).  Du coup sa mère s’oppose à la sortie du film hors des circuits de festivals...

 



Samedi soir:

Captain Mercier a de nouveau ouvert le bal avec un set plus court et principalement en anglais qui me fait dire que ce n'est pas la langue le problème mais un défaut très français à mon avis (Boris Vian en son temps s’en vantait même): ils ne prennent pas leurs paroles au sérieux. Tout est tourné à la dérision. C’est efficace: c’est drôle, mais aucun moyen de les prendre au sérieux non plus. J’admire les chanteurs de soul qui vivent leurs paroles et vous les font vivre même quand, effectivement, leur lecture serait un peu ridicule...

Austin de Lone band encore (avec la fille d'Austin, 16 ans?, au chant poussif sur une chanson de Duffy!), puis avec Mable John pour un set encore plus court, deux chansons qu’elle avait déjà chanté la veille, dommage. Charlie Wood est venu recréer la chanson écrite pour Porretta "Rufus is back in town".

Puis arrivée de Otis Redding III (avec un T shirt à l’effigie de son père!). La surprise de l’année pour moi. Bien meilleur que ce à quoi je m’attendais. Très sympathique, très simple et surtout très bon. Un set assez classique (peut être à la demande de Graziano, dommage j’aurais bien aimé savoir ce qu'il pouvait faire d’autre): Hard to Handle, I got dreams to remember, Dock of the Bay et Knock on Wood, puis My Girl en rappel (pas les morceaux les plus "Reddingiens" d'Otis!). Mais chaque morceau avec des petites ou des grandes modifications, des citations d'autres morceaux, des solos de guitare un peu saturée (il joue pas trop mal) etc... Je ne trouve pas de ressemblance entre sa voix et celle de son père mais en revanche la ressemblance physique est troublante, carrure, visage (surtout sans lunettes noires).

 


Otis Redding III



 

   



Puis Joe Simon et sa chorale d’enfants, toujours accompagné discrètement par Austin de Lone et son groupe... Pour moi c’est la déception de l’année. Oui, Joe Simon a toujours la même voix très puissante, mais pour moi qui sait de temps en temps apprécier un peu de gospel-soul, là, j'ai souffert le temps d’un set de gospel ultra classique, sans passion ni énergie et qui m’a profondément ennuyé. Les danses des enfants m’auraient fait rire si l’angoisse provoquée par un spectacle proche de celui d'une secte n’avait pas dominé.
 


Retour de Henry Butler pour un set un peu plus court et toujours aussi efficace même si je n’achèterais pas ses disques.

Enfin arrivée de Sugar Pie de Santo pour un set qui ressemble à ce que ceux qui étaient là l’an dernier ont du voir mais moi j’ai adoré, ça lave le cerveau des bondieuseries de Bishop Joe! Drôle, funky, forte, en forme, efficace, elle danse, saute, se tord dans tous les sens, fait des galipettes, le grand écart et bien sûr de nombreux gestes et blagues à connotations sexuelles, tout le monde était debout et content. J'ai même entendu des gens dire qu’elle avait l'air plus en forme que l'an dernier quand son mari venait de mourir. D'ailleurs, tout comme Sugar Pie écoutait Mable John la veille à coté de la scène, tout le monde était là pour écouter Sugar Pie, et elle a emmené tout le monde sur scène avec elle pour un Night Time is The Right Time délirant: Sugar Pie, Mable John et son fils (Paul, bassiste), Otis Redding III et Henry Butler.

 


Sugar Pie de Santo
 

   


20h - 2h: 6 heures de musique pour 20 euros. Qui dit mieux ? J'aurais peut être préfèré moins d’artistes et des sets plus longs mais je crois que c’est le lot de Porretta. Le lineup change tellement souvent que Graziano dit oui a plein d'artistes et se retrouve parfois avec trop!

Il est toujours aussi agréable de se promener en ville et de croiser le sosie d'Otis Redding, Sugar Pie de Santo fumant clope sur clope, Mable John (l’une des dernières personnes à avoir vu Ray Charles vivant), Joe Simon (celui qui a chanté aux funérailles d'Otis) etc... De se promener dans les collines au dessus et d’entendre les échos de "Im a Soul Man" ou "Respect" plus ou moins bien joué...

 


 


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 Dimanche :


Soirée en deux parties. D’abord un best of des soirées précédentes avec tous les artistes qui reviennent pour des sets très courts. C’aurait été génial si ce n’avait donc pas été la troisième fois pour moi de voir tout ça. Mais ça reste très sympathique:

Austin de Lone band encore: une chanson chantée par lui, une chantée par sa fille, une chantée par Rick, le fameux MC de Porretta (Mustang Sally), encore une fois "Rufus is back in town!" par Charlie Wood... Encore 2 par Mable John, 2 par Otis Redding III, puis un petit set de Henry Butler, puis Joe Simon revient avec sa chorale pour un morceau (un morceau ça va, trois bonjour les dégâts) et encore un petit set de Sugar Pie de Santo. Pour tous, aucune chanson qu’ils n’aient pas déjà chantée les jours précédents.

 



Puis un beau final orchestré par Sugar Pie, où elle arrive à faire revenir tout le monde: Charlie Wood et Henry Butler aux claviers, Otis Redding III à la guitare, Paul le fils de Mable à la basse et surtout Mable John pour chanter "Let the good time roll". À ce moment, Joe Simon arrive sur scène et c’est une scène un peu surréaliste. Sugar Pie essaye de le faire chanter, se moque de lui. Lui l’évite comme une pestiférée, l’ignore et refuse de prendre un micro. Puis il se réfugie auprès de Mable John (qui est plus ou moins prêtre elle aussi), finit par prendre un micro et chante en duo avec elle sur l’air de Let the good time roll un morceau de Gospel "Lay my burden down". Quand Sugar Pie reprend un micro, Joe arrête de chanter. Assez vite Sugar Pie s’en va. Un vrai duel dieu vs. diable. Joe raide comme un roc, Sugar Pie agile comme un chat. Un drôle de moment...

 



Deuxième partie, le concert de Chaka Khan (une ancienne des black panthers nous apprend le programme!). Très bien réglé, au point qu’ils ont eu du mal à se faire au "bordel" ambiant à Porretta, pas de barrières, tout le monde qui prend des photos etc... Orchestre de 9 musiciens funk-rock impressionnant et très pro et (faut-il le signaler?), que des noirs.
Parmi son orchestre le guitariste de Rufus et elle a beaucoup puisé dans cette période (Stay, Aint Nobody, Tell me something good, You got the Love, Hollywood...)  mais aussi trois choristes qui l’aidaient de plus en plus au fur et à mesure que sa voix lâchait progressivement pendant le concert, malgré les tasses de thé chaud. D’ailleurs elle a choisi ses choristes comme elle: des hurleuses! Il faut aimer... Elle a commencé par I Feel For You et elle a terminé par I'm Every Woman, en rappel. Ses plus grands tubes je pense.  Avant le rappel elle a massacré (a mon avis) What's going on de Marvin Gaye, alors qu'elle n’avait plus de voix...

 

       

Chaka Khan
 

 À vrai dire, je ne suis pas un pro de Chaka mais je pense que c’était un bon concert. J’ai même du mal à croire ceux qui disent que c’était mieux dans les années 90 ou même depuis qu’elle est en solo tellement le son semblait sorti de cette époque. Le SEUL problème (de taille) est qu’elle n’était pas à sa place avec ce public. Beaucoup de gens partaient et les meilleurs moments étaient ceux où les fans des premiers rangs (il y en avait quand même) mettaient un peu d’ambiance. Pendant le concert, beaucoup de musiciens l’écoutaient (Sugar Pie, Otis Redding...) mais Joe Simon était probablement parti se coucher (ou prier) car une partie des adolescents de sa chorale était là, dans le public, à danser comme des fous avec les italiennes de passage. Ils se seront donc quand même bien amusés...

Fin à minuit et demi, donc plus tôt que d’habitude...

 Dror ,  juillet 2008

 

toutes les photographies sont (c) Dror , sauf mention contraire.

 


Joe Simon, Otis Redding III , Mable John        (c) Ray Ellis

 

 

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