Otis Redding - Bio

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OTIS REDDING  - biographie

Régis Dubois / L'Harmattan / décembre 2002

EXTRAITS / les premières pages du livre / Prologue

 

Mr. Soul

And it's all so easy
Come on and try
Try a little tenderness
Yeah try
Just keep on trying

(Try A Little Tenderness)

 

    La musique d'Otis Redding ne se dit pas. Elle ne s'explique pas. C'est tout à la fois le ciel et la terre, la mer et le soleil, le vent et la pluie. C'est le souvenir nostalgique d'un temps innocent, originel. Écouter les disques d'Otis Redding aujourd'hui c'est se plonger dans une nébuleuse de joie, d'amour et de passion, celle de l'enfance, celle du premier amour. On ne reste jamais indifférent la première fois qu'on entend une chanson d'Otis Redding. En fait, ce n'est jamais vraiment la première fois puisqu'il nous semble déjà connaître cette voix, cette mélodie. Elles étaient là, au fond de nous mêmes. Mais cette fois, on en prend conscience, comme une évidence. Quelqu'un, quelque part, à une époque imprécise, a écrit la vie dans tout son éclat, dans toute sa magie et son harmonie; la beauté des femmes, la douleur d'un amour perdu, la douceur d'un mois de mai, le roulement des vagues sur le sable, et toutes ces petites choses qui font la vie, l'amour. Écouter Try A Little Tenderness c'est comme vivre une intense histoire d'amour en condensé.

    Otis savait communiquer tout cela grâce à sa voix unique, à son timbre inimitable trempé dans le blues. Il était capable de mettre à nu l'âme humaine. Plus que quiconque, il excellait dans l'art de la soul music, la musique de l'âme, ce chant profane et sacré nourri de la lumière crue du Sud, de l'air chaud, humide et poussiéreux de Géorgie, du Mississippi ou de l'Alabama, et de plusieurs siècles de tourment et de souffrance. Son amour était immense, sa soif de vivre aussi. C'est ce dont témoignent encore aujourd'hui avec force ses enregistrements qui, quand vous les écoutez, vous irriguent d'une puissante joie de vivre mais aussi d'une profonde nostalgie. Car si la vie est si belle c'est parce qu'elle doit avoir une fin.

    Le 10 décembre 1967 Otis Redding disparaissait dans un accident d'avion à l'âge de 26 ans. Moins d'un mois plus tard, son chef-d'oeuvre posthume, la chanson (Sittin' On) The Dock of The Bay, se plaçait à la première place des charts pop et R'n'B. Otis n'était pas le premier jeune chanteur de l'histoire de la pop music à périr tragiquement. La mort prématurée d'Eddie Cochran, de Buddy Holly ou de Sam Cooke avait déjà endeuillé la jeunesse des années cinquante et soixante. Et beaucoup suivraient (Brian Jones, Jim Morrison, Jimi Hendrix, Janis Joplin...). Mais avec Redding sombrait, pour un temps, l'espoir de voir définitivement tomber les frontières qui séparent la musique populaire noire de la blanche. Car Otis Redding était parvenu, à l'apogée de sa carrière, à faire le lien entre ces deux courants de musique et à réunir deux publics jusqu'alors inconciliables, d'un côté celui du blues, du rhythm'n'blues et de la soul, de l'autre celui du rock'n'roll et de la pop. Les raisons d'une telle réussite sont à chercher à la fois dans le contexte particulier de l'époque et dans la singularité du personnage.

    Otis se distinguait par une curiosité boulimique, une créativité insatiable et par un sens inné et instinctif de la musique. Mais par-dessus tout, c'est son enthousiasme communicatif, sa bonhomie aussi, et son optimisme rayonnant qui en font une des figures incontournables des sixties. Il est surprenant d'ailleurs de constater combien son parcours s'inscrit dans ces fabuleuses années soixante. D'abord influencé par le gospel, le blues puis par le rock'n'roll naissant au milieu des années cinquante, il intègre très vite à son répertoire les nouveaux courants musicaux du tournant de la décennie, les chansons de Sam Cooke d'abord, celles des artistes de Tamla-Motown ensuite. Puis ce sont les Beatles et les Rolling Stones qui, après soixante-cinq, prennent un ascendant décisif sur son style, contribuant à le faire pencher peu à peu vers la musique rock. A son tour, Redding influence une nouvelle génération de chanteurs, dont font partie Aretha Franklin ou Arthur Conley, et compte parmi ses admirateurs des artistes de la pop d'avant-garde comme Bob Dylan, Janis Joplin ou Martin Balin du Jefferson Airplaine. En perpétuelle évolution, Otis s'imprègne ainsi des mutations rapides de ces bouillonnantes années soixante et transcende sa musique sans pour autant y perdre son âme. Car le chanteur reste avant tout un Noir du Sud, témoin du racisme et de la ségrégation raciale mais qui, comme son contemporain Martin Luther King, ne nourrit aucune amertume et croit en l'intégration, à l'égalité et en un avenir meilleur pour les siens. Pour cette raison, certains l'ont considéré - et le considèrent encore - comme un oncle Tom, un Noir jovial et bon enfant. C'est pourtant cette ouverture d'esprit qui le conduira à outrepasser les barrières de toutes sortes. Ses interprétations bouleversantes et ses prestations scéniques survoltées feront le reste, lui amenant un public toujours plus diversifié, de Noirs et de Blancs, d'Américains, d'Européens ou d'Africains.

    Otis Redding, au faîte de sa carrière, est ainsi parvenu à faire de sa musique, pourtant profondément enracinée dans la tradition noire américaine, une musique universelle. Et c'est là sans doute l'une de des plus grandes réussites, comme en témoignent sa formidable popularité en Europe et à travers le monde aujourd'hui encore, et le fait qu'il ait été repris, de son vivant ou après sa mort, par des artistes d'horizons très divers ; des Rolling Stones à Aretha Franklin en passant par Etta James, les Moody Blues, Janis Joplin, Tina Turner, Johnny Hallyday, Michael Bolton, les Black Crowes ou plus récemment par le Zaîrois Papa Wemba (Fa Fa Fa Fa Fa). Nombreux sont aussi ceux qui lui ont rendu hommage en chanson comme Eddie Floyd (Big Bird), Wilson Pickett ( Cole, Cooke & Redding), les Doors (Runnin'Blue) ou, dans les années quatre-vingt-dix, Paul Young avec le tube Now I Know What Made Otis Blue. [1]

    Otis incarnait la quintessence de la soul, ce genre musical né dans les années cinquante de la fusion du blues et du gospel. Après Ray Charles qui en bâtit les fondements, après Sam Cooke qui la popularisa auprès d'un large public, Otis Redding en devint l'ambassadeur mondial. Lui qui ne savait pas écrire la musique, composa, arrangea et produisit plusieurs dizaines de hits considérés aujourd'hui comme des classiques de l'histoire de la pop music. D'une apparente simplicité et pourtant tellement intense et bouleversante, l'oeuvre d'Otis Redding demeure une inestimable bande originale des sixties et résonne encore, trente-cinq ans après sa mort, comme l'expression d'une époque révolue, belle et insouciante.

    En partant, Otis nous a laissé une poignée d'albums, quelques titres mémorables et (Sittin' on) The Dock of the Bay, son chef-d'oeuvre testamentaire. Mais il n'avait certainement pas tout dit. Qui sait alors ce qu'il aurait encore pu apporter à la musique de son siècle, surtout après ce tournant décisif amorcé avec The Dock of the Bay ?

 

NDLR - la suite en dix chapitres chronologiques à découvrir dans le livre
aux éditions de L'Harmattan pour la modique somme de 10 euros.

 

[1] NDLR - également, Arthur Conley avec "Otis Sleep On" et William Bell avec "A Tribute To Otis"


Stax 169033 - William Bell

 

OTIS SLEEP ON
(Arthur Conley)
album SOUL DIRECTIONS
1968 - Atco 33-243


 

Oh there's a place we call heaven
It is known as our second home
And otis Redding now belongs
Althougt you've gone so far
But so near
And in our heart Otis
We all love you dear

Sleep on Otis Redding Sleep on
Sleep on take your rest
I know that God loves you
Oh you loved with all of your heart and soul
But now to God Otis
You set your goal
Oh ! I wanna thank you
For bringing me trough
And all of the wonderful things
You intended to do

Oh as you lay so very long
I swear Arthur Conley will carry on
Otis sleep on take your rest
Sleep on
I got to go now
But you just sleep on
Sleep on
Otis why don't you take your rest
Sleep on Otis Redding
I swear to you
I will carry on
....

 

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