Otis Redding Story

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The OTIS REDDING story

 

 

Coffret de 4 vinyles (1986) puis de 3 CDs (1987). Compilation (par Rob Bowman)
de titres parus ailleurs,
sauf les inédits, Stay in school,  You left the water running
et le rare
Mary's little lamb. Nominé pour la réédition historique de l'année
aux fameux Grammy Awards américains (1988).

Pochette intérieure rédigée par Rob Bowman, avec les souvenirs de Al Bell, Ben Cauley, Steve Cropper, Duck Dunn, Eddie Floyd, Julius Green, Isaac Hayes, Wayne Jackson, Booker T. Jones, Andrew Love, O.B. McClinton, Floyd Newman, Deanie Parker,  David Porter, Jim Stewart, Carla Thomas et Phil Walden.

Traduction et notes de Dror Sept-Oct 2002 + ajouts en octobre 2005
dédiée a la mémoire de Tom Dowd décédé le 27 Octobre 2002
 

Octobre 2005 - ajouts de texte, en gris


des ajouts et des corrections faits par Rob Bowman lui même lors de l’édition de ce texte sous forme de chapitres de son livre
« 
Soulsville USA – The Story of STAX RECORDS », Schirmer Trade Books 1997,

Traduction
Dror, Octobre 2005.
 


"Otis était une personne rare et unique, terriblement, terriblement charmante. Pour si peu d'éducation... il avait une intelligence incroyable, un grand instinct de la rue pour les gens et une vraie personnalité engageante. Il pouvait presque consumer une personne, des shérifs péquenauds racistes aux monarques européens, juste en étant lui-même. C'était une personne très sensible."

Phil Walden, manager d'Otis Redding, 1986

 

 

Il avait un don rare. Un artiste avec une capacité innée et infinie à progresser, un artiste exempté de problèmes de drogue ou d'alcool, un artiste qui devenait tout simplement meilleur d'année en année. Chaque personne ayant travaillé avec Otis Redding en parle avec une joie effervescente. Des cadres de Stax et Atlantic Records, des musiciens et des compositeurs de chansons aux personnels de bureaux, des vigiles aux balayeurs, tous en parlent avec des yeux écarquillés et une voix émue. Il était de cette rare espèce, un homme qui excellait dans tout ce qu'était la vie, toujours curieux, toujours repoussant les limites pour trouver ce petit plus.

Bien que la vie d'Otis ait été interrompue à son apogée, en cinq courtes années il a laissé une impressionnante oeuvre estampillée d'une intemporalité qui en assure l'immortalité. Cette compilation cherche à procurer une vue d'ensemble complète d'une des légendes les plus durables de la soul music, un homme dont l'influence continue sur plusieurs générations de soul et de rock'n'roll est incalculable.

  Donald "Duck" Dunn

Les fabuleux musiciens de studio de Stax Records fournissent de puissants témoignages sur Otis Redding, à la fois l'homme et le musicien. Le bassiste Duck Dunn se souvient, dans le livre de Peter Guralnick "Sweet Soul Music", qu'une séance d'enregistrement d'Otis était toujours un événement spécial. "Ce n'était jamais une séance de routine avec Otis. Vous pouviez travailler pendant six semaines, disons, huit heures par jour, et vous ne verriez qu'un homme avec la main sous le menton [il s'agit du propriétaire de Stax Records, Jim Stewart] puis Otis surgissait et, mec, il réveillait tout le monde. Parce que vous saviez que quelque chose allait être différent. Quand Otis était là tout était revitalisé. Vous vouliez jouer avec Otis. Il allait chercher le meilleur au fond de vous. C'était son secret."

Le trompettiste Wayne Jackson qui dirigea les cuivres des Mar-Keys sur presque tous les morceaux classiques d'Otis confirme : "Toutes les séances avec Otis occupent une place spéciale dans ma mémoire. Je sais que je vivais un peu comme entre séances d'Otis. "Quand est-ce que Otis arrive ? "Sam and Dave c'est vendredi." "Oui mais quand est-ce qu'Otis revient?" Otis était le centre d'intérêt pour tout le monde. Vous pouviez sentir l'excitation quand il arrivait. Il était capable de ça."

 
La musique est l'une des rares voies qu'Otis avait pour échapper à la vie ordinaire des pauvres noirs du sud des Etats-Unis des années 40, 50 et 60. Né à Dawson, Géorgie, le 9 septembre 1941, la famille d'Otis déménagea à Macon trois ans plus tard où son père cumulait un temps partiel de prêtre tout en gagnant sa vie sur la base de l'armée de l'air. Mais il devint bientôt trop malade pour pouvoir travailler régulièrement et il laissa à Otis, sa mère Fanny, ses quatre soeurs et son frère le soin se gagner leur vie du mieux qu'ils pouvaient. Assez vite Otis dut quitter l'école, aidant à faire vivre la famille par ses emplois de puisatier, pompiste et, quelquefois, de musicien.

30cm des Upsetters

Otis avait commencé à jouer de la batterie à l'école et c'est en tant que batteur qu'on pouvait le retrouver tous les dimanches matin au studio de la radio WIBB de Macon, jouant derrière des groupes de gospel, gagnant six dollars par matinée de travail. Adolescent, il chanta aussi dans un quartet de gospel, apprenant au passage des rudiments de guitare et de piano. En 1958 Otis prit la route en tant que chanteur avec les Upsetters, l'ancien groupe de Little Richard, un autre citoyen de Macon. La même année Otis participa au concours "Teenage Party" [1] du DJ local Hamp Swain. Ce genre de concours amateurs étaient courants dans les communautés urbaines noires jusque tard dans les années 60 (Celui de l'Apollo à New-York était peut-être le plus connu, où Ella Fitzgerald, Sarah Vaughan, Jackie Wilson et Clyde McPhatter ont été découverts). Ayant gagné plusieurs semaines de suite (souvent en chantant des chansons d'Elvis Presley), Otis finit par rencontrer deux personnages clefs de sa vie. La première fut sa future femme Zelma, le second fut le guitariste et extraordinaire showman Johnny Jenkins. Après s'être associé avec Jenkins, Otis rencontra l'improbable jeune manager du guitariste, Phil Walden, un adolescent blanc passionné par la scène R'n'B de Macon, en plein essor. A ce moment, tous les éléments cruciaux pour le développement d'Otis étaient en place, sauf un contrat d'enregistrement.                                                                           

 

Otis s'installa dans ce qu'on peut historiquement voir comme la période des dettes à payer. Insatisfait par ses progrès à Macon, il partit pour Los Angeles pour quelques mois au milieu de l'année 1960. Vivant chez l'une de ses soeurs il travaillait comme laveur de voitures et, en juillet de cette année, enregistra quatre chansons, SHE'S ALRIGHT, TUFF ENUFF, I'M GETTIN' HIP et GAMMA LAMMA. Bien que clairement prématurées et très copiées, elles étaient assez bonnes pour être publiées, les deux premières sur Finer Arts 2016 et l'autre paire sur Alshire 5082. De retour à Macon à la mi-1961, Otis enregistra un troisième single pour la compagnie Confederate de Bobby Smith. SHOUT BAMALAMA et FAT GIRL, tous deux des copies conformes des tubes de Little Richard, furent enregistrés à Athens, Géorgie, dans le studio de la PBS [2] locale avec l'excentrique bassiste blanc Wayne Cochran. La face A, clairement liée à GAMMA LAMMA, était dérivée d'une expression courante chez les adolescents noirs de l'époque. SHOUT BAMALAMA trouva des alliés chez le DJ John R., légendaire dans le sud, qui le diffusa abondamment grâce à l'émetteur de 50.000 watts de la radio WLAC basée à Nashville et localement, chez Hamp Swain, qui l'incorporera à son show "Night Ride" [3] sur la radio WIBB. Ailleurs, en revanche, ce fut un bide et vers la fin 1961 ce titre fut relégué au passé, jusqu'à ce que Mickey Murray en obtienne une 11ème place au hit-parade R'n'B [4] en septembre 1967 pour la compagnie SSS de Shelby Singleton. A un moment pendant cette période Otis travailla aussi avec une pâle copie des Drifters. Apparemment il pouvait facilement imiter la voix de Clyde McPhatter et, avec Johnny Jenkins, il jouait souvent le morceau de Clyde, MONEY HONEY, un standard des Drifters.

Ironiquement, le disque qui fut le tremplin de la percée d'Otis ne le concernait d'aucune manière. A ce moment il était devenu un membre permanent du groupe de Johnny Jenkins, les Pinetoppers. Bien qu'Otis assurait la plupart des parties chantées, Jenkins était, sans aucun doute, la star. Jouant de la guitare de la main gauche et tête en bas, ses acrobaties faisaient sensation chaque soir. Arriva James Newton, un banquier qui avait aussi une petite compagnie, Tifco Records, basée à Atlanta. Quand il entendit Johnny Jenkins et les Pinetoppers, Newton n'était intéressé que par l'enregistrement de la star pour un disque instrumental. Par conséquent lorsque Jenkins, Walden et compagnie partirent cinquante miles au nord, vers Atlanta, pour enregistrer dans le studio de la radio locale, Otis ne fut pas de la partie. Bien que les deux faces du disque de Jenkins furent mal enregistrées, on peut clairement et fortement remarquer un haut niveau d'enthousiasme. Au recto de la rockeuse face B PINETOP, la face A LOVE TWIST attira l'attention du DJ de Macon, Frank Clark et de la radio WNEX. Le responsable de la promotion dans le sud chez Atlantic Records, Joe Galkin, prit alors le disque chez sa propre compagnie Gerald, important 25.000 copies dans le sud-est avant de revendre les droits de l'original à Atlantic en septembre 1961.
 

The Pinetoppers

de gauche à droite : Samuel "Poor Sam" Davis , Willie "Ploonie" Bowden ,
Johnny Jenkins , Otis Redding , and Ish Mosley  

" ANOTHER FINE ATTRACTION AVAILABLE THROUGH - PHIL WALDEN - ARTISTS AND PROMOTIONS"

 

Une séance complémentaire fut donc programmée, qui se révéla être déterminante pour tous sauf, ironiquement, Johnny Jenkins. En octobre 1962, Atlantic avait un accord, stable et mutuellement bénéfique, de distribution avec la novice compagnie de Memphis, Stax Records. Il avait été décidé que la suite du disque de Jenkins serait enregistrée à Memphis avec le groupe local de Stax, le fameux Booker T. And The MG's qui venait d'obtenir un immense succès cet été là avec GREEN ONIONS. La légende, maintes fois répétée, et toujours citée par de nombreux anciens de Stax, est qu'Otis était le chauffeur et/ou le valet de Johnny Jenkins. En tant que tel, il assista à la séance et, quand les choses ne se passèrent pas très bien pour Jenkins et, alors qu'il restait quarante minutes, il demanda s'il pouvait enregistrer une chanson. Ce scénario a toujours semblé douteux puisque Otis était, à ce moment, déjà un membre à part entière des Pinetoppers depuis plus de deux ans. Aurait-il donc aussi servi de chauffeur ou de valet ? Phil Walden finalement, et pour la première fois, remet les choses au clair, clarifiant au passage le rôle crucial de Joe Galkin. "Le projet était de faire cette suite pour Johnny Jenkins mais aussi de donner à Otis une chance de chanter. C'était mon accord avec Joe Galkin. J'ai dit, "Otis, si tu as une occase tu dois la prendre aussi vite que tu peux parce qu’on n'aura probablement pas beaucoup de temps." Bien sûr ils ne savaient pas [que c'était le projet] et, dieu merci, Joe était là, parce que ça ne serait probablement jamais arrivé sinon." En d'autres termes, la "chance" d'Otis avait été préparée avec soin par Phil Walden avec la complicité de Joe Galkin, une version tristement éloignée de l'histoire romantique qu'était censée impliquer l'intervention du destin.

Pour mettre les choses au point, Otis était bien le conducteur puisque Johnny Jenkins n'avait pas son permis. La camionnette fut louée à Bobby Smith (connu pour SHOUT BAMALAMA et pour la compagnie Confederate Records) et Walden n'alla pas à la séance car il devait aller à l'université ce jour là.

Les choses n'allaient pas très bien avec les nouveaux morceaux de Johnny Jenkins même si deux chansons, SPUNKY / BASHFUL GUITAR furent publiées sur Volt Records deux ans plus tard. Quand tout le monde laissa finalement tomber, Otis eut son occase, bien que Joe Galkin ait du donner au copropriétaire de Stax, Jim Stewart, la moitié des droits de production sur les chansons d'Otis pour le convaincre. A ce moment là, le joueur de clavier Booker T. Jones avait déjà quitté la séance, laissant au guitariste Steve Cropper le soin de jouer du piano pendant que Johnny Jenkins s'occupait des parties de guitare. La première chanson qu'Otis enregistra ce jour là fut une autre copie éhontée de Little Richard, HEY HEY BABY. Pour son deuxième enregistrement, il choisit une chanson qu'il avait écrite deux bonnes années auparavant. THESE ARMS OF MINE se révéla être la première d'une série de ballades en 6/8 de plus en plus incroyables. On entend chez Otis la nervosité et l'hésitation mais aussi, clairement, le trémolo qui a fait sa réputation à ses débuts. Le disque s'achève avec Otis à moitié parlant, dans un ad-lib dramatique qui transforme une ballade bonne mais routinière en une interprétation mémorable.

« C’était différent » se souvient Jim Stewart « Mais je ne crois pas que qui que ce soit ait sauté de joie en disant qu’il avait découvert une nouvelle star. Nous étions fatigués et déçus. Nous avons simplement dit « OK, c’est bon » et la session était finie, c’est tout. »

 

 

(1) "La Boum des Ados"

(2) PBS = Public Broadcasting System, c'est la radio publique américaine

(3) "Promenade de Nuit"

(4) R'n'B veut bien sûr dire Rythm and Blues, le terme générique pour toutes les musiques populaires noires américaines. De plus, et c'est typiquement américain, il y avait et il y a toujours des hit-parades différents pour la musique R'n'B et pour la musique Pop, c'est a dire la musique populaire blanche américaine (public plus nombreux)! Un hit-parade ségrégé qui permet à un titre d'être classé deux fois si par bonheur il pouvait plaire au public noir ET au public blanc!

 

 >>>>    à suivre vers disc 1

 

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